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possible que J. J. qui prétendoit porter nuit & jour le flambeau de la raison, ait refusé lui-même de s’en servir dans cette occasion ? J’aurois pardonné le style de cette lettre à une précieuse ridicule. Quoi ! toujours de l’énigme entourée des lambeaux que le soupçon déchire de la foiblesse de l’esprit humain, & le tout couronné par une invective outrageante qui paroît tout-à-fait étrangère au sujet !

Le public aime à être trompé, écrit J. J. à David Hume, & vous êtes fait pour le tromper. Je ne vois pas que ce reproche puisse avoir rien de commun avec la prétendue trahison dont le Genevois accuse son ancien ami. Répondra -t-il qu’il étoit pleinement convaincu que M. Hume le trahissoit & le dénigroit par quelque satire donnée au public. Pourquoi en laisse-t-il ignorer les circonstances ? Pourquoi ne va-t-il pas tout de suite au fait, où il n’arrive jamais ? Pourquoi ne cite-t-il pas des preuves par lesquelles son ami puisse se reconnoître coupable ? S’imagine-t-il qu’après lui avoir reproché qu’il est fait pour tromper le public, que le public le lapidera ? Quelle foiblesse ! Supposons pour un instant que M. Hume eût agi à la mode de la plupart des amis de notre tems, en se prêtant aux plaisanteries de certains esprits légers qui se plaisent à mordre sur la pauvreté & à se divertir aux dépens de ceux qu’ils croyent sans défense. Etoit-ce un crime impardonnable ? Cela valoir-il la peine de se courroucer avec tant de chaleur & de rompre avec autant d’éclat & de ressentiment que si M. Hume eût été lui-même l’auteur du libelle de M. Walpole ; ou enfin qu’il eût trempé dans une conjuration où la vie du Genevois eût été en danger ? Mais non, ce n’est point la vie qui lui est chere, c’est