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grace de s’intéresser pour moi. Je ne dois pas appréhender que V. E. lui donne quelque crédit ; je dois cependant lui avouer que j’en suis affecté au-delà de ce que je devrois l’être. En cela je reconnois les effets de la foiblesse humaine ; je les sens encore mieux, lorsque je ne puis m’empêcher de soupçonner M. Hume de s’être prêté avec trop de complaisance aux intentions de ceux qui avoient projette de me ridiculiser. Lui qui, cependant, s’étoit déclaré avec tant de chaleur mon Mécene & mon ami. Au reste ce n’est qu’un soupçon qui m’oblige, si je me suis trompé, de lui faire telle réparation que son amitié pour moi voudra lui dicter. Si l’on sait m’offenser, je me glorifie de pardonner même à mes ennemis ; & mon ressentiment ne reparoît jamais au lever du soleil. Ma trop grande sensibilité pour des procédés qui tendent à me consterner, seroit moins pardonnable dans une situation plus heureuse. Je prie V. E. de ne l’attribuer qu’à l’excès des chagrins qui m’ont environné jusqu’à ce jour. C’est par vos bontés que je vais être en situation de pouvoir les oublier. Ah ! que ce jour est brillant à mes yeux ! que de joie ne m’apporte-t-il pas ? sur-tout quand je pense que c’est dans ce jour le plus heureux de ma vie, que j’apprends, par la lettre de M. Hume, que mes infortunes vont finir pour jamais, autant par les bienfaits de Sa Majesté, que par la continuation de la protection dont vous daignez m’honorer.

Oui, je vais dès cet instant, fouler à mes pieds le souvenir de mes malheurs passés, pour ne plus penser qu’à me rendre digne de la grave que le meilleur des Rois a bien