Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/473

Cette page n’a pas encore été corrigée

sa conversation. Sa conduite & ses manieres le firent bientôt rechercher. Mais particulièrement du sieur Ried qui, réunissant un commerce fort étendu à un emploi très-honorable, pouvoit splendidement jouir de tous les agrémens que l’on reçoit d’une brillante prospérité. De plus c’étoit un vieux garçon qui n’avoit à songer qu’à des héritiers collatéraux, pour lesquels ordinairement on se gêne moins que pour ses propres enfans.

Ried étoit considéré par ses compatriotes comme un homme aimable & sociable. Les Maures, avec qui il avoit souvent affaire, soit pour les intérêts de la Grande-Bretagne, ou soit pour le siens propres, ne l’envisageoient pas de même ; Ried s’etoit imaginé qu’en leur montrant de l’orgueil & de la fierté, il en obtiendroit ce qu’il se proposoit d’en recevoir. Ce systême étoit mal conçu, puisque quelques années après lui-même en fut la victime.*

[*Ried ayant été chargé d’une négociation auprès du roi de Maroc, s’énonça avec tant de hauteur, d’orgueil & de fierté, joignant à cela des menaces outrageantes, que comme il y pensoit le moins, plusieurs hommes armés entrerent dans son appartement & le massacrerent] Au reste il avoit des connoissances assez étendues, & s’appliquoit autant par théorie que par pratique aux devoirs de son état. Son esprit étoit orné par une lecture suivie des meilleurs Auteurs Anglois, François & Espagnols, le tout accompagné d’une humeur enjouée & d’une vivacité qui lui attiroient l’admiration de tous ceux qui étoient en liaison amicale avec lui.

Dès la seconde visite, il offrit à l’Etranger qui lui avoir été recommandé, ses bons offices, en le priant de n’avoir plus