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dire tout franchement, en écrivant à son ami : “C’est une façon d’agir qu’un autre que moi trouveroit trop recherchée, mais qui ne peut être que l’ouvrage d’un bon cœur qui sait obliger délicatement, & qui seroit une vertu tout-à-fait bienfaisante si vous ne m’en eussiez pas fait un mystere.” Comment se peut-il que de pareilles fautes, si tant est que c’en soient, ne peuvent avoir un bon principe, sur-tout quand il en résulte une bonne œuvre & un service essentiel pour celui qui en est l’objet ? Comment ces ruses, si on pouvoit nommer ainsi de si nobles précautions, peuvent-elles se tourner en piéges ? En vérité je me perds dans ce chaos d’idées confuses, qui ne présentent à mon imagination que des vapeurs dignes d’un cerveau extravagant.

Les soupçons énigmatiques de J. J. Rousseau, sont pour moi le nœud gordien : il faudroit être un second Alexandre pour le dénouer. À combien d’interprétations différentes cet illustre Genevois n’asservit-il pas ses argumens ? Je crois que M. Hume auroit fait un grand plaisir au public, s’il se fut donné la peine, je ne dis pas d’expliquer les pensées de son adversaire ; mais de dire seulement ce que lui-même pouvoir comprendre en lisant tant de fades contradictions ? Je parierois que Rousseau lui-même auroit eu bien de la peine à sortir de ce labyrinthe.

Passons à la lettre du 29 mai 1766. Le philosophe Genevois avoue ingénument, que dans l’asyle qu’on lui a procuré, il est très-bien & même au-delà de ses souhaits. Deux choses alterent sa félicité ; la premiere, c’est qu’on a pour lui trop d’attentions ; la seconde, c’est qu’il n’entend pas & ne peut se faire entendre des domestiques, parce qu’il ne sait pas parler