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cet auteur cherchoit à se singulariser, pour ne pas dire s’éterniser par des traits tout-à-fait opposés au bon sens & à la raison.

On ne peut lui refuser beaucoup de connoissances & de capacité, dont il a fait le partage, tantôt pour enfanter bien de bonnes choses, & tantôt pour en créer de fort absurdes. Les premieres pouvoient lui mériter non-seulement de l’indulgence, mais encore une protection toute particuliere de la part de ses confreres en littérature aisés ou opulens. Les secondes devoient charitablement s’oublier ; ou si l’on vouloir s’en ressouvenir, ce ne devoit être que pour ne laisser voir en lui que l’homme animé par deux ames différentes, dont l’une le guidoit vers le beau, le sublime & le merveilleux, en attendant que l’autre vînt étaler les égaremens & les caprices dont il étoit farci. Enfin on devoit avoir pour lui quelqu’indulgence, en considération qu’il n’y a point d’homme qui soit né exempt de foiblesses ou d’imperfections. Mais le timpaniser, l’avilir, le tourner en ridicule n’étoit pas le plus sûr moyen pour le refondre & lui faire changer de conduite ; c’étoit l’aigrir & l’irriter, jusqu’au point, comme il le dit lui-même, de lui faire faire bien des sottises.

Rousseau ne vivant que de choux & de carottes, n’auroit sûrement pas ruiné les bienfaiteurs qu’il auroit voulu choisir. En supposant que sa pauvreté eût été aussi réelle que sa lettre à M. Clairaut le témoigne, la nécessité l’auroit obligé d’implorer leurs secours. On se lasse aisément de souffrir, & l’on s’ennuye davantage de languir. Malgré les soupçons déplacés de M. Hume pour représenter Rousseau comme affectant une