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a consacré la mémoire d’une multitude de héros en tous genres, de grands Capitaines, de grands Ministres, & même de grands Rois ; mais nous ne saurions nous dissimuler que tous ces hommes illustres n’ayent beaucoup plus travaillé pour leur gloire & pour leur avantage particulier, que pour le bonheur du genre-humain, & qu’ils n’ayent sacrifie cent sois la paix & le repos des peuples au desir d’étendre leur pouvoir ou d’immortaliser leurs noms. Ah ! combien c’est un plus rare & lus précieux don du Ciel qu’un Prince véritablement bienfaisant dont le premier ou l’unique soin soit la félicité publique ; dont la main secourable & l’exemple admiré fassent régner par-tout le bonheur & la vertu. Depuis tant de siecles un seul a mérité d’immortalité à ce titre ; encore celui qui fut la gloire & l’amour du monde n’y a-t-il paru que comme une fleur qui brille au matin & périt avant le déclin du jour. Vous en regrettez un second, Messieurs, qui sans posséder un trône n’en fut pas moins digne ; ou qui plutôt, affranchi des obstacles insurmontables que le poids du diadème oppose sans cesse aux meilleures intentions, fit encore plus de bien, plus d’heureux, peut-être, du fond de sa retraite, que n’en fit Titus gouvernant d’univers. Il n’est pas difficile de décider lequel des deux mérite la préférence. Titus chrétien ; Titus vertueux & bienfaisant dès sa premiere jeunesse ; Titus ne perdant pas un seul jour, eut été égal au Duc d’Orléans.

J’ai dit qu’il s’étoit retiré du monde, & il est vrai qu’il avoit quitté ce monde frivole, brillant & corrompu où la sagesse des Saints passe pour folie, où la vertu est inconnue & méprisée,