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Ce n’est point un homme absolument libre quant aux facultés de l’ame, c’est un captif qui se croit enchaîné par les mépris du fanatisme, qui se voue en entier à un confrere qu’il s’imagine être son vrai libérateur, mais qui dans la suite ne paroît vouloir briser ses chaînes que pour lui en préparer de plus dures & de plus pesantes.

Dans la lettre du même Auteur datée du 4 décembre 1765, on remarque toujours le même esprit de sensibilité, la même confiance, & le même point de vue qui fait soupirer le philosophe Genevois, après une retraite solitaire & libre, où il puisse finir ses jours en paix. Ce projet étoit facile à exécuter, autant par les soins de M. Hume, que par la bonne volonté de celui qui bornoit toute sa fortune à ce bien-être philosophique, qui, disoit-il, fixoit toute son ambition.

Ce qui prouve que Rousseau n’étoit pas tout-à-fait bien sain lorsqu’il écrivit cette seconde lettre, c’étoit cet excès de confiance qu’il mettoit avec trop de légéreté dans les offres de services que venoit de lui faire le philosophe Anglois. Il le faisoit penser à sa maniere, c’est-à-dire, avec ces sentimens héroïques si familiers aux héros de l’Astrée ou du grand Cyrus : & recevant les promesses pour les réalités, il se flattoit trop légèrement d’une conquête qui n’étoit pas encore bien certaine.

Le destin qui voile à nos yeux l’avenir en avoit autrement disposé ; le projet échoua : tous deux s’en étonnent : autre preuve que l’un & l’autre n’avoient pas assez de bon sens pour sentir que cette prétendue étroite amitié, contractée par deux esprits si différens, n’étoit pas une chaîne indissoluble.

La lettre de M. Rousseau à M. Clairaut n’est pas en apparence