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bienfaiteur : voilà le point de perspective que j’apperçois dans ce bel acte d’humanité, & qui pourtant ne mérite pas que l’on blâme trop celui qui le fait, en considération de ce que l’intérêt personnel fait aujourd’hui la base de presque toutes les liaisons humaines & des bienfaits que l’on répand dans le monde.

On me reprochera de prêter ici à M. Hume un point de vue que peut-être il n’a jamais eu. Peut-être ai-je mal jugé quant à ce célebre Ecrivain, & je lui fais mes plus humbles excuses d’une supposition qui ne prend son origine que dans ce que j’ai vu moi-même en Angleterre à l’égard de plusieurs hommes à talens. Ils y arrivoient peu décorés des faveurs de la fortune, il es vrai, mais ils pouvoient y déployer leur savoir-faire. Quand c’étoient gens d’un mérite distingué, leurs confreres opulens & accrédités les accueilloient avec empressement, & leur offroient quelquefois les moyens de débuter. Mais ces moyens se réduisoient, en travaillant sans relâche, à pouvoir joindre les deux bouts de la semaine. Leurs prétendus bienfaiteurs prônoient avec enthousiasme leurs productions : ils faisoient plus ; j’en ai vu qui s’en chargeoient pour les montrer, en retiroient eux-mêmes le prix, qui ne tomboit jamais en entier dans les mains de l’artiste ou de l’ouvrier.

Je ne mettrai point en parallele avec un homme de lettres aussi respectable que M. Hume, l’ex-Arlequin d’un certain théâtre, qui a eu le secret, à la faveur d’une semblable industrie, de former un magasin d’une quantité de chefs-d’œuvre de toute espece, fruits précieux de la capacité des meilleurs ouvriers, ou des plus habiles peintres, dessinateurs & mécaniciens en