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est-il de bonne soi ? Je le demande, non pour l’instruction des lecteurs, mais pour leur édification.

Dans cette lettre *

[*Page 305.] M. Rousseau peint ses malheurs comme un homme accablé ; M. Hume ne veut pas y croire. Il assure (sans preuve), que M. Davenport lui marquoit que précisément dans ce tems-là son hôte étoit très-content & très-gai ; M. Hume affirme de plus “que M. Rousseau veut être plaint, mais que son affectation de sensibilité extrême, étoit un artifice qui n’en imposoit plus à un homme qui le connoissoit aussi bien que lui.”

Quand on a quelque connoissance du cœur humain, il est facile d’expliquer pourquoi la plupart des hommes déclament contre les gens riches ou puissans, tout en enviant leurs richesses ou leurs places. Il ne me paroît pas aussi aisé de démêler quelle est la passion qui fait grossir idéalement la fortune d’un homme, qui lui ôte idéalement ses infirmités, & le sentiment de ses peines, pour lui enlever jusques à la commisération que tout être sensible doit aux malheureux. M. Hume qui convient*

[*Page 348.] d’avoir eu avec M. Rousseau une scene des plus attendrissantes, doit savoir mieux qu’un autre, que la sensibilité la plus exquise fait, pour ainsi dire, le fond de son ame ; M. Hume ne peut ignorer qu’une pauvreté noble l’a toujours suivi, parce qu’il a osé dédaigner la fortune, & qu’il a apporté en venant au monde, une maladie cruelle (une rétention d’urine), qui va croisant avec l’âge, sans espoir de secours. Si l’on joint à tout cela les calamités,