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je n’ai garde de croire que M. Hume s’en doutât, les gens de bien ne sont pas méfians, & il n’est pas rare de voir un homme d’esprit & de génie, mené par des gens qui en ont beaucoup moins. Supposons encore qu’il ait, sans le savoir, servi d’instrument aux ennemis de M. Rousseau, que leur restoit-il à faire ? Le brouiller peu-à-peu avec M. Hume, indisposer par degré le peuple Anglois. Rien ne paroissoit moins aisé. Les Anglois aiment le mérite & le fêtent, ils accueillent volontiers les infortunés. Comment attaquer M. Rousseau dans leur sein ? La force ouverte étoit impraticable. Ses ennemis étoient trop adroits pour l’employer quand elle ne l’eût pas été. Supposons qu’ils l’eussent laisse jouir de la paix les premiers jours de son arrivée, ils ne pouvoient la troubler impunément, les papiers publics en parloient comme d’une époque heureuse, parce qu’elle prouvoit la bonté de leur Gouvernement. Patience ; le peuple est peuple par-tout, & celui d’Angleterre se plie tout aussi bien qu’un autre, quand on sait l’y disposer.

M. Rousseau, après avoir été honoré, fêté, finit par éprouver dans la capitale des empressemens & des froideurs. Il se retire à la campagne. Supposons que ses ennemis ayant attendu sa retraite pour l’attaquer & l’insulter sans mesure dans les papiers publics ; pas un Anglois n’ayant aucune raison pour se livrer à cette noire escrime, & ces papiers ayant été salis par différens libelles, ils ne pouvoient partir que des ennemis de M. Rousseau ; quelque Anglois tout au plus se prêtoit à les faire imprimer.

Le signal du décri de M. Rousseau est donné, les écrits en