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marque d’une parfaite satisfaction, & le pere ne donnoit point de bornes à la tendresse de ses caresses & y ajoutoit ordinairement quelque cadeau, mais sans affectation : quand le gouverneur ne faisoit aucun signe, cela vouloit dire qu’il étoit mal satisfait, & la froideur du pere répondoit au mécontentement du maître : mais, quand de la main gauche celui-ci touchoit sa premiere boutonniere, le pere faisoit sortir son fils de sa présence & alors le gouverneur lui expliquoit les fautes de l’enfant. J’ai vu ce jeune seigneur acquérir en peu de tems de si grandes perfections, que je crois qu’on ne peut trop bien augurer d’une méthode qui a produit de si bons effets : ce n’est aussi qu’une harmonie & une correspondance parfaite entre un pere & un précepteur qui peut assurer le succès d’une bonne éducation ; & comme le meilleur pere se donneroit vainement des mouvemens pour bien élever son fils, si d’ailleurs il le laissoit entre les mains d’un précepteur inattentif, de même le plus intelligent & le plus zélé de tous les maîtres prendroit des peines inutiles, si le pere, au lieu de le seconder, détruisoit son ouvrage par des démarches à contre-tems.

Pour que M. votre fils prenne ses études à cœur, je crois, Monsieur, que vous devez témoigner y prendre vous-même beaucoup de part. Pour cela vous auriez la bonté de l’interroger quelquefois sur ses progrès, mais dans les tems seulement & sur les matieres où il aura le mieux fait, afin de n’avoir que du contentement & de la satisfaction à lui marquer, non pas cependant par de trop grands éloges, propres à lui inspirer de l’orgueil & à le faire trop compter sur lui-même.