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& négligera d’en tirer tout le parti qu’il faudroit. Ces semences de vanité ont déjà produit en lui bien des petits penchans nécessaires à corriger. C’est à cet égard, Monsieur, que nous ne saurions agir avec trop de correspondance, & il est très-important que dans les occasions où l’on aura lieu d’être mécontent de lui, il ne trouve de toutes parts qu’une apparence de mépris & d’indifférence, qui le mortisiera d’autant plus que ces marques de froideur ne lui seront point ordinaires. C’est punir l’orgueil par ses propres armes & l’attaquer dans sa source même, & l’on peut s’assurer que M. de Ste. Marie est trop bien né pour n’être pas infiniment sensible à l’estime des personnes qui lui sont cheres.

La droiture du cœur, quand elle est affermie par le raisonnement, est la source de la justesse de l’esprit ; un honnête homme pense presque toujours juste, & quand on est accoutumé dès l’enfance à ne pas s’étourdir sur la réflexion, & à ne se livrer au plaisir présent qu’après en avoir pesé les suites & balancé les avantages avec les inconvéniens, on a presque, avec un peu d’expérience, tout l’acquis nécessaire pour former le jugement. Il semble en effet, que le bon sens dépend encore plus des sentimens du cœur que des lumieres de l’esprit, & l’on éprouve que les gens les plus savans & les plus éclairés ne sont pas toujours ceux qui le conduisent le mieux dans les affaires de la vie : ainsi après avoir rempli M. de Ste. Marie de bons principes de morale, on pourroit le regarder en un sens comme assez avancé dans la science du raisonnement mais s’il est quelque point important dans son éducation c’est sans contredit celui-là, & l’on ne sauroit trop bien lui apprendre