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Peut-être jamais homme ne se fit une affaire plus importante que celle que je me fais de l’éducation de Mrs. vos enfans, pour peu que vous veuilliez seconder mon zele : vous n’avez pas eu lieu de vous appercevoir jusqu’à présent que je cherche à fuir le travail, mais je ne crois point que pour se donner un air de zele & d’occupation, un maître doive affecter de sur-charger ses éleves d’un travail rebutant & sérieux, de leur montrer toujours une contenance sévere & fâchée, & de se faire ainsi à leurs dépens la réputation d’homme exact & laborieux. Pour moi, Monsieur, je le déclare une sois pour toutes ; jaloux jusqu’au scrupule de l’accomplissement de mon devoir, je suis incapable de m’en relâcher jamais : mon goût ni mes principes ne me portent ni à la paresse ni au relâchement : mais de deux voies pour m’assurer le même succès je préférerai toujours celle qui coûtera le moins de peine & de désagrément à mes éleves, & j’ose assurer, sans vouloir passer pour un homme très-occupé, que moins ils travailleront en apparence, & plus en effet je travaillerai pour eux.

S’il y a quelques occasions où la sévérité soit nécessaire à l’égard des enfans, c’est dans les cas où les mœurs sont attaquées, ou quand il s’agit de corriger de mauvaises habitudes. Souvent, plus un enfant a d’esprit & plus la connoissance de ses propres avantages le rend indocile sur ceux qui lui restent à acquérir. De-là, le mépris des inférieurs, la désobéissance aux supérieurs, & l’impolitesse avec les égaux : quand on se croit parfait, dans quels travers ne donne-t-on pas ? M. de Ste. Marie a trop d’intelligence pour ne pas sentir ses belles qualités, mais si l’on n’y prend garde il y comptera trop,