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aux plaisirs & aux Beaux-Arts. Les richesses procurent les moyens de satisfaire ses passions : ainsi ce seroient les richesses, & non pas les Belles-Lettres, qui pourroient faire naître la corruption dans les cœurs ; sans parler de plusieurs autres causes qui n’influent pas moins que l’abondance sur cette dépravation ; l’extrême pauvreté est la mere de bien des crimes, & elle peut être jointe avec une profonde ignorance. Tous les faits donc qu’allégue notre adversaire, ne prouvent point que les Sciences corrompent les mœurs.

Il prétend montrer par ce qui est arrivé en Egypte, en Grece, à Rome, à Constantinople, à la Chine, que les Arts énervent les peuples qui les cultivent. Quoique cette assertion sur laquelle il insiste principalement paroisse étrangere à la question dont il s’agit, il est à propos d’en montrer la fausseté. L’Egypte, dit-il,devint la mere de la Philosophie & des Beaux-Arts, & bientôt après la conquête de Cambyse ; mais bien des siecles avant cette époque, elle avoit été soumise par des bergers Arabes, sous le regne de Timaus. Leur domination dura plus de cinq cents ans. Pourquoi les Egyptiens n’eurent-ils pas même alors le courage de se défendre ? Etoient-ils énervés par les Beaux-Arts qu’ils ignoroient ? Sont-ce les Sciences qui ont efféminé les Asiatiques, & rendu lâches à l’excès tant de nations barbares de l’Afrique & de l’Amérique ?

Les victoires que les Athéniens remporterent sur les Perses & sur les Lacédémoniens même, sont voir que les Arts peuvent s’associer avec la vertu militaire. Leur Gouvernement, devenu vénal sous Periclès, prend une nouvelle face : l’amour du plaisir étouffe leur bravoure, les fonctions les plus honorables