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de droit. Nous examinerons dans la premiere partie de ce Discours, si les Sciences & les Arts ont contribué à corrompre les mœurs ; & dans la seconde, ce qui peut résulter du progrès des Sciences & des Arts considérés en eux-mêmes : tel est le plan de l’ouvrage que je critique.

PREMIERE PARTIE.

Avant, dit M. Rousseau, que l’Art eût façonné nos manieres, & appris à nos passions à parler un langage apprêté, nos mœurs étoient rustiques, mais naturelles, & la différence des procédés marquoit au premier coup-d’œil celle des caracteres. La Nature humaine au fond n’étoit pas meilleure ; mais les hommes trouvoient leur sécurité dans la facilité de se pénétrer réciproquement ; & cet avantage, dont nous ne sentons plus le prix, leur épargnoit bien des vices. Les soupçons, les ombrages, les craintes, la froideur, la réserve, la haine, la trahison, se cachent sans cessé sous ce voile uniforme & perfide de politesse, sous cette urbanité si vantée que nous devons aux lumieres de notre siecle. Nous avons les apparences. de toutes les vertus aucune.

Je réponds qu’en examinant la source de cette politesse qui fait tant d’honneur à notre siecle, & tant de peine à M. Rousseau, on découvre aisément combien elle est estimable. C’est le desir de plaire dans la société, qui en a fait prendre l’esprit. On a étudié les hommes, leurs humeurs,