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bons, & dont ils ont si indignement dégradé l’ouvrage. Les végétaux dans nos bois & dans nos montagnes sont encore tels qu’ils sortirent originairement de ses mains, & c’est-là que j’aime à étudier la nature ; car je vous avoue que je ne sens plus le même charme à herboriser dans un jardin. Je trouve qu’elle n’y est plus la même ; elle y a plus d’éclat, mais elle n’y est pas si touchante. Les hommes disent qu’ils l’embellissent, & moi je trouve qu’ils la défigurent. Pardon, Madame la duchesse ; en parlant des jardins j’ai peut-être un peu médit du vôtre ; mais si j’étois à portée je lui serois bien réparation. Que n’y puis-je faire seulement cinq ou six herborisations à votre suite, sous M. le Docteur Solander ! Il me semble que le petit fond de connoissances que je tâcherois de rapporter de ses instructions & des vôtres, suffiroit pour ranimer mon courage souvent prêt à succomber sous le poids de mon ignorance. Je vous annonçois du bavardage & des rêveries ; en voilà beaucoup trop. Ce sont des herborisations d’hiver ; quand il n’y a plus rien sur l’a terre j’herborise dans ma tête, & malheureusement je n’y trouve que de mauvaise herbe. Tout ce que j’ai de bon s’est réfugié dans mon cœur, Madame la duchesse, & il est plein des sentimens qui vous sont dus.

Mes chiffons de plantes sont prêts ou à-peu-près ; mais faute de savoir les occasions pour les envoyer, j’attendrai le retour de M. Granville pour le prier de vous les faire parvenir.