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Par le cœur d’un héros, par les vertus d’un sage ;
Qu’enfin la liberté, ce cher présent des cieux,
N’est qu’un fléau fatal pour les cœurs vicieux.
Avec le lait, chez nous, on suce ces maximes,
Moins pour s’enorgueillir de nos droits légitimes
Que pour savoir un jour se donner à la sois
Les meilleurs magistrats, & les plus sages lois.


Vois-tu, me disoit-on, ces nations puissantes
Fournir rapidement leurs carrieres brillantes ;
Tout ce vain appareil qui remplit l’univers
N’est qu’un frivole éclat qui leur cache leurs sers
Par leur propre valeur ils forgent leurs entraves,
Ils sont les conquérans, & sont de vils esclaves :
Et leur vaste pouvoir, que l’art avoit produit,
Par le luxe bientôt se retrouve détruit.
Un soin bien différent ici nous intéresse,
Notre plus grande forcé est dans notre foiblesse.
Nous vivons sans regret dans l’humble obscurité ;
Mais du moins dans nos murs on est en liberté.
Nous n’y connoissons point la superbe arrogance,
Nuls titres fastueux, nulle injuste puissance.
De sages magistrats, établis par nos voix,
Jugent nos différends, sont observer nos loix.
L’art n’est point le soutien de notre république ;
Etre juste est chez nous l’unique politique ;
Tous les ordres divers, sans inégalité,
Gardent chacun le rang qui leur est affecté.