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scenes d’Harpagon & de son fils ? que l’avarice des peres produit la mauvaise conduite des enfans ; enfin dans toutes, cette vérité si utile, que les ridicules de la société y sont une source de désordres. Et quelle maniere plus efficace d’attaquer nos ridicules, que de nous montrer qu’ils rendent les autres méchans à nos dépens ? En vain diriez-vous que dans la comédie nous sommes plus frappés du ridicule qu’elle joue, que des vices dont ce ridicule est la source. Cela doit être, puisque l’objet naturel de la comédie est la correction de nos défauts par le ridicule, leur antidote le plus puissant, & non la correction de nos vices qui demande des remedes d’un autre genre. Mais son effet n’est pas pour cela de nous faire préférer le vice au ridicule ; elle nous suppose pour le vice cette horreur qu’il inspire à toute ame bien née : elle se sert même de cette horreur pour combattre nos travers ; & il est tout simple que le sentiment qu’elle suppose nous affect moins (dans le moment de la représentation) que celui qu’elle cherche à exciter en nous, sans que pour cela elle nous fasse prendre le change sur celui de ces deux sentimens qui doit dominer dans notre ame. Si quelques comédies en petit nombre s’écartent de cet objet louable & sont presque uniquement une école de mauvaises mœurs, on peut comparer leurs Auteurs à ces hérétiques, qui pour débiter le mensonge, ont abusé quelquefois de la chaire de vérité.

Vous ne vous en tenez pas a des imputations générales. Vous attaquez, comme une satire cruelle de la vertu, le Misanthrope de Moliere, ce chef-d’œuvre de notre théâtre comique ; si néanmoins le Tartuffe ne lui est pas encore supérieur,