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les Athéniens ? & ne pouvons-nous pas trouver à leur exemple une infinité d’autres sujets capables de remplir dignement le théâtre, les malheurs de l’ambition, le spectacle d’un héros dans l’infortuné, la haine de la superstition & des tyrans, l’amour de la patrie, la tendresse maternelle ? Ne faisons point à nos Françoises l’injure de penser que l’amour seul puisse les émouvoir, comme si elles n’étoient ni citoyennes ni meres. Ne les avons-nous pas vues s’intéresser à la mort de César, & verser des larmes à Mérope ?

Je viens, Monsieur, à vos objections sur la comédie. Vous n’y voyez qu’un exemple continuel de libertinage, de perfidie & de mauvaises mœurs ; des femmes qui trompent leurs maris, des enfans qui volent leurs peres, d’honnêtes bourgeois dupés par des fripons de Cour. Mais je vous prie de considérer un moment sous quel point de vue tons ces vices nous sont représentés sur le théâtre. Est-ce pour les mettre en honneur ? Nullement ; il n’est point de spectateur qui s’y méprenne ; c’est pour nous ouvrir les yeux sur la source de ces vices ; pour nous faire voir dans nos propres défauts (dans des défauts qui en eux-mêmes ne blessent point l’honnêteté), une des causes les plus communes des actions criminelles que nous reprochons aux autres. Qu’apprenons-nous dans George Dandin ? que le déréglement des femmes est la suite ordinaire des mariages mal assortis où la vanité a présidé ; dans le Bourgeois Gentilhomme ? qu’un bourgeois qui veut sortir de son état, avoir une femme de la Cour pour maîtresse, & un grand Seigneur pour ami, n’aura pour maîtresse qu’une femme perdue, & pour ami qu’un honnête voleur ; dans les