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d’Atrée, où ce monstre périssoit écrasé de la foudre, en criant avec une satisfaction barbare,

Tonnez, Dieux impuissans, frappez, je suis vengé.

Cette situation vraiment théâtrale, secondée par une musique effrayante, eût produit, ce me semble, un des plus heureux dénouemens qu’on puisse imaginer au théâtre lyrique.

Si dans quelques tragédies on a voulu nous intéresser pour des scélérats, ces tragédies ont manqué leur objet ; c’est la faute du Poete & non du genre ; vous trouverez des historiens même qui ne sont pas exempts de ce reproche ; en accuserez-vous l’histoire ? Rappellez-vous, Monsieur, un de nos chefs-d’œuvre en ce genre, la conjuration de Venise de l’Abbé de St. Réal, & l’espece d’intérêt qu’il nous inspire(sans l’avoir peut-être voulu) pour ces hommes qui ont juré la ruine de leur Patrie ; ons’afflige presque après cette lecture de voir tant de courage & d’habileté devenus inutiles ;on se reproche ce sentiment, mais il nous saisit malgré nous, & ce n’est que par réflexion qu’on prend part au salut de Venise. Je vous avouerai à cette occasion(contre l’opinion assez généralement établie), que le sujet de Venise sauvée me paroît bien plus propre au théâtre que celui de Manlius Capitolinus, quoique ces deux pieces ne différent gueres que par les noms & l’état des personnages ; des malheureux qui conspirent pour se rendre libres, sont moins odieux que des sénateurs qui cabalent pour se rendre maîtres.

Mais ce qui paroît, Monsieur, vous avoir choqué le plus, dans nos pieces, c’est le rôle qu’on y fait jouer à l’amour.