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forêts, & les ramener de leur genre de vie féroce & sauvage à ces mœurs humaines & policées qu’ils ont aujourd’hui ? Car il a été un tems où les hommes étoient comme dispersés & vagabonds dans les champs, & y vivoient comme les bêtes féroces. Alors ce n’étoit point la raison qui régloit leur conduite, mais presque toujours la forcé la violence. Il n’étoit point question de religion, ni de devoirs envers les autres hommes ; on n’y connoissoit point l’utilité de la justice, de l’équité. Ainsi, par l’erreur & l’ignorance, les passions aveugles & téméraires étoient seules dominantes, & abusoient, pour s’assouvir, des forces du corps, dangereux ministres de leurs violences. Enfin, il s’éleva des hommes sages, grands, dont l’éloquence gagna ces hommes sauvages, & de féroces & cruels qu’ils étoient, les rendit doux & vraiment humains." *

[*Quid tam porro regium, tam liberale, tam munificum, quàm opem ferre supplicibus, excitare affictos, dare salutem, liberare periculis, retinere homines in civitate ? Quae vis alia potuit aut dispersos homines unum in locum congregare, aut à ferâ agrestique vitâ ad hunc humanum cultum, civilemque deducere ? Cicero de Oratore p. 14. Nam fuit quoddam tempus, cum in agris homines passim bestiarum more vagabantur, & sibi victu ferino vitam propagabant ; nec ratione animi quidquam, sed pleraque viribus corporis adminstrabant. Nondum divinae religionis, non humani officii ratio colebatur....Non jus aequabile quod utilitatis haberet, acceperat. Ità propter errorem & inscitiam caeca ac temeraria dominatrix animi cupiditaes, ad se explendum viribus corporis abutebatur, perniciosissimus satellitibus..... Deinde propter rationem atque orationem studiosiùs audientes, ex feris & immanibus mites reddidit & mansuetos (vir quidam magnus & sapiens.) Cicero de Inventione ibid. p. 6. 7. Edition de Glasgow.] Voilà un origine & une fin de l’éloquence bien différente de celle que leur donne notre Orateur François.