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& farouche de ces trente rustres, que vous n’en aurez dans cent bals de l’opéra qui rassembleront cinq cents personnes ; que vous n’en aurez en trois mois dans une ville peuplée d’un million d’habitans. Avez-vous une ferme, une terre dans ces cantons policés ? votre fermier en est autant propriétaire que vous-même. Il vous paye, il est vrai, le contenu de votre bail, mais il ne vous laissé pas la liberté d’être encore mieux payé par un autre. Vos biens passent de pere en fils aux descendans du fermier comme à ceux du propriétaire, & si vous vous avisez de trouver que vous êtes le maître d’en disposer en faveur d’une autre race, ou celle-ci ne sera pas assez hardie pour l’accepter, ou vous verrez bientôt votre terre réduite en cendres, & votre nouveau fermier assassiné. Vous êtes en France, les loix vous vengeront ; elles vous prouveront, comme moi, que la vertu ne réside & ne trouvé de défense que dans un Etat bien policé, & que vous feriez perdu sans ressources, si votre terre étoit placée dans des climats où les loix sont inconnues, excepté celles des passions & de la violence ; si enfin vous étiez dans ces premiers siecles où la nature seule gouvernoit les hommes ; vrais siecles de fer, quoiqu’en disent la Fable & les Poetes ses ministres.

Tel est l’abrégé très-succinct des preuves que l’histoire des siecles passés, & celle du nôtre même, nous fournit de l’union intime du crime avec la barbarie, avec l’ignorance, & au contraire de la liaison nécessaire de la vertu, de la raison avec les Sciences, les Arts, l’urbanité : mais quand l’histoire n’en diroit pas un mot, n’avons-nous pas dans les principes physiques de ces choses mêmes, dans leur nature, de quoi