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Ces difficultés n’ont pas échappé à l’Abbé de St.Pierre, mais peut-être lui convenoit-il mieux de les dissimuler que de les résoudre. Quand il parle de ces contradictions & qu’il feint de les concilier, c’est par des moyens si absurdes & des raisons si peu raisonnables, qu’on voit bien qu’il est embarrassé, ou qu’il ne procede pas de bonne foi. Seroit-il croyable qu’il eût mis en avant si hors de propos, & compté parmi eu moyens l’amour de la patrie, le bien publie, le desir de la vraie gloire, & d’autres chimeres évanouies depuis long-tems, ou dont il ne reste plus de traces que dans quelques petites Républiques ? Penseroit-il sérieusement que rien de tout ce la pût réellement influer dans la forme d’un Gouvernement monarchique ; & après avoir cité les Grecs, les Romains, & même quelques modernes qui avoient des âmes anciennes, n’avoue-t-il pas lui-même qu’il seroit ridicule de fonder la constitution de l’Etat sur des maximes éteintes ? Que fait-il donc pour suppléer à ces moyens étrangers dont il reconnoît l’insuffisance ? Il lève une difficulté par une autre, établit un systême sur un systême, & fonde sa Polysynodie sur sa République Européenne. Cette République, dit-il, étant garante de l’exécution des capitulations impériales pour l’Allemagne, des capitulations parlementaires pour l’Angleterre ; des Pacta Conventa pour la Pologne ; ne pourroit-elle pas l’être aussi des capitulations royales signées au sacre des Rois pour la forme du Gouvernement, lorsque cette forme seroit passée en loi fondamentale ? & après tout, garantir les Rois de tomber dans la tyrannie des Nérons, n’est-ce pas les garantir eux & leur postérité, de leur ruine totale ?