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Or, l’attention est à l’esprit ce que l’exercice est au corps ; c’est elle qui lui donne de la vigueur, de l’adresse, & qui le rend propre à supporter le travail : ainsi l’on peut dire que chaque Conseiller d’Etat, en revenant après quelques années de circulation à l’exercice de son premier département, s’en trouvera réellement plus capable que s’il n’en eût point du tout changé. Je ne nie pas que, s’il fût demeuré dans le même, il n’eût acquis plus de facilité à expédier les affaires qui en dépendent ; mais je dis qu’elles eussent été moins bien faites, parce qu’il eût eu des vues plus bornées, & qu’il n’eût pas acquis une connaissance aussi exacte des rapports qu’ont ces affaires avec celles des autres départemens : de sorte qu’il ne perd d’un côté dans la circulation que pour gagner d’un autre beaucoup davantage. 8̊. Enfin, pour ménager plus d’égalité dans le pouvoir, plus d’indépendance entre les Conseillers d’Etat, & par conséquent plus de liberté dans les suffrages. Autrement, dans un Conseil nombreux en apparence, on n’auroit réellement que deux ou trois opinans auxquels tous les autres seroient assujettis ; à-peu-près comme ceux qu’on appelloit autrefois à Rome Senatores pedarii, qui pour l’ordinaire regardoient moins à l’avis qu’à l’auteur : inconvénient d’autant plus dangereux, que ce n’est jamais en faveur du meilleur parti qu’on a besoin de gêner les voix.

On pourroit pousser encore plus loin cette circulation des départemens en l’étendant jusqu’à la Présidence même ; car s’il étoit de l’avantage de la République Romaine, que les Consuls redevinssent au bout de l’an simples Sénateurs en attendant un nouveau Consulat, pourquoi ne serait-il pu de