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de celui qu’ils quittent dans un état qui pourroit les perdre, si par hasard leur successeur se trouvoit honnête homme on leur ennemi. 2̊. En second lieu, pour obliger les Conseillers même à mieux veiller sur leur conduite ou sur celle de leurs commis ; de peur d’être taxée de négligence & de pis encore, quand leur gestion changera d’objet sans cesse, & chaque fois sera connue de leur successeur. 3̊. Pour exciter entre les membres d’un même corps une émulation louable à qui passera son prédécesseur dans le même travail. 4̊. Pour corriger par ces fréquens changemens les abus que les erreurs, les préjugés & les passions de chaque sujet auront introduits dans son administration : car parmi tant de caracteres différens qui régiront successivement la même partie, leurs fautes se corrigeront mutuellement, & tout ira plus constamment à l’objet commun. 5̊. Pour donner à chaque membre d’un Conseil des connoissances plus nettes & plus étendues des affaires & de leurs divers rapports ; en sorte qu’ayant manié les autres parties, il voye distinctement ce que la sienne est au tout, qu’il ne se croye pas toujours le plus important personnage de l’Etat, & ne nuise pas au bien général pour mieux faire celui de son département. 6̊. Pour que tous les avis soient mieux portés en connoissance de cause, que chacun entende toutes les matières sur lesquelles il doit opiner, & qu’une plus grande uniformité de lumieres mette plus de concorde & de raison dans les délibérations communes. 7̊. Pour exercer l’esprit & les talents des Ministres : car, portés à se reposer & s’appesantir sur un même travail, ils ne s’en font enfin qu’une routine qui resserre & circonscrit, pour ainsi dire, le génie par l’habitude.