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pour lui parler, & cela d’un air si sérieux & si ferme qu’il fût bien persuadé que c’est tout de bon.

Mon fils, il m’en coûte tant de vous tenir éloigné de moi que, si je n’écoutois que mon penchant, je vous retiendrois ici dès ce moment ; mais c’est ma trop grande tendresse pour vous qui m’empêche de m’y livrer. Tandis que vous avez été ici, j’ai vu avec la plus vive douleur, qu’au lieu de répondre à l’attachement de votre mere & de lui rendre en toute chose la complaisance qu’elle aimoit avoir pour vous, vous ne vous appliquiez qu’à lui faire éprouver des contradictions qui la déchirent trop de votre part, pour qu’elle les puisse endurer davantage, &c.

J’ai donc pris la résolution de vous placer loin de moi m’épargner l’affliction d’être à tout moment l’objet & le témoin de votre désobéissance. Puisque vous ne voulez pas répondre aux tendres soins que j’ai voulu prendre de votre éducation, j’aime mieux que vous alliez devenir un mauvais sujet loin de mes yeux, que de voir mon fils chéri manquer à chaque instant à ce qu’il doit à sa mere ; & d’ailleurs je ne désespere pas que des gens fermes & sensés, qui n’auront pas pour vous le même foible que moi, ne viennent à bout de dompter vos mutineries par des traitemens nécessaires que votre mere n’auroit jamais le courage de vous faire endurer, &c.

Voilà, mon fils, les rairons du parti que j’ai pris à votre égard, & le seul que vous me laissiez à prendre, pour ne pas vous livrer à tous vos défauts & me rendre tout-à-fait malheureuse. Je ne vous laisse point à Paris, pour ne pas avoir à combattre sans cesse, en vous voyant trop souvent, le desir