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noirs. J’en suis fâché pour moi, j’en suis affligé pour vous...... à vingt-deux ans !.... Adieu, Madame.

ROUSSEAU.

En reprenant avec plus de sang-froid votre lettre, je trouve la mienne dure & même injuste ; car je vois que ce qui rend vos phrases embarrassées, est qu’une involontaire sincérité s’y mêle à la dissimulation que vous voulez avoir. En blâmant mon premier mouvement, je ne veux pourtant pas vous le cacher. Non, Madame, vous ne voulez pas me tromper je le sens ; c’est vous qu’on trompe, & bien cruellement. Mais cela posé, il me reste une question à vous faire ; dans le jugement que vous portez de moi, pourquoi m’écrire ? Pourquoi me rechercher ? Que me voulez-vous ? Recherche-t-on quelqu’un qu’on n’estime pas ? Eh ! je fuirois jusqu’au bout du monde, un homme que je verrois comme vous paroissez me voir. Je suis environné, je le sais, d’espions empressés & d’ardens satellites qui me flattent pour me poignarder ; mais ce sont des traîtres ; ils sont leur métier. Mais vous, Madame, que je veux honorer autant que je méprise ces misérables, de grave, que me voulez-vous ? Je vous demande sur ce point une réponse précise, & pour Dieu suivez en la faisant, le mouvement de votre cœur & non pas l’impulsion d’autrui. Je veux répondre en détail à votre lettre, & j’espere avoir long-tems la douceur de vous parler de vous ; mais pour ce moment commençons par moi ; commençons par nous mettre en regle sur ce que nous devons penser l’un de l’autre. Quand nous saurons bien à qui nous parlons, nous en saurons mieux ce que nous aurons à nous dire.

Je vous prie, Madame, de ne plus m’écrire sous un autre nom que celui que je signe ; & que je n’aurois jamais dû quitter.