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viens de faire un acte de justice, que je me devois &qui n’appartenoit qu’à moi, faites-moi pendre si vous l’osez ; il se pourra bien qu’ils le fassent pendre en effet ; parce qu’enfin quiconque a donné la mort la mérite, & qu’il a dû compter ; mais je réponds qu’il ira au supplice avec l’estime de tout homme équitable & sensé, comme avec la mienne ; & si cet exemple intimide un peu les tâteurs d’hommes, & fait marcher les gens d’honneur, qui ne ferraillent pas, la tête un peu plus levée, je dis que la mort de cet homme de courage ne sera pas inutile à la société. La conclusion tant de ce détail, que de ce que j’ai dit à ce sujet dans l’Emile, & que je répétai souvent quand ce livre parut, à ceux qui me parlerent de cet article, est qu’on ne déshonore point un homme qui sait mourir. Je ne dirai pas ici si j’ai tort ; cela pourra se discuter à loisir dans la suite : mais tort ou non, si cette doctrine me trompe, vous permettrez néanmoins, n’en déplaise à votre illustre prôneur d’oracles, que je ne me tienne pas déshonoré.

Je viens, Monsieur, à la question que vous me proposez sur votre Eleve. Mon sentiment est qu’on ne doit forcer un enfant à manger de rien. Il y a des répugnances qui ont leur cause dans la constitution particuliere de l’individu, & celles-là sont invincibles ; les autres qui ne sont que des fantaisies, ne sont pas durables, à moins qu’on ne les rende telles à force d’y faire attention. Il pourroit y avoir quelque chose de vrai dans le cas de prévoyance qu’on vous allégue, si (chose presque inouie) il s’agissoit d’alimens de premiere nécessité, comme le pain, le lait, les fruits. Il faudroit du moins tâcher