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le seul cas où il auroit commencé lui-même. Ses châtimens ne doivent jamais être que des abstinences, & tirées, autant qu’il se peut, de la nature du délit. Je voudrois même vous vous y soumissiez toujours avec lui quand cela seroit possible, & cela sans affectation, sans que cela parût vous coûter & de façon qu’il pût en quelque sorte, lire dans votre cœur sans que vous le lui disiez, que vous sentez si bien la privation que vous lui imposez, que c’est sans y songer que vous vous y soumettez vous-même. En un mot pour réussir, il faudroit vous rendre presqu’impassible ; & ne sentir que par votre Eleve ou pour lui. Voilà, je l’avoue une terrible tâche, mais je ne vois nul autre moyen de succcès. Et ce succès me paroît assuré de part ou d’autre, car quand avec tant de soins vous n’auriez pas le bonheur d’avoir fait un homme, n’est-ce rien que de l’être devenu ?

Tout ceci suppose que la dédaigneuse hauteur de l’Enfant, n’est que la petite vanité de la petite grandeur dont ses Bonnes auront boursoufflé sa petite ame ; mais il pourroit arriver aussi que ce fût l’effet de l’âpreté d’un caractere indomptable & fier, qui ne veut céder qu’à lui-même ; cette dureté propre aux seuls naturels qui ont beaucoup d’étoffe, & qui ne se trouve gueres au pays où vous vivez, n’est pas probablement celle de votre Eleve ; si cependant cela se trouvoit (& c’est un discernement facile à faire) alors il faudroit bien vous garder de suivre avec lui la méthode dont je viens de parler, & de heurter la rudesse avec la rudesse ; les ouvriers en bois n’emploient jamais fer sur fer ; ainsi faut-il faire avec les esprits roides qui résistent toujours à la force ; il n’y a sur eux qu’une prise, mais aimable &