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je resterai enfant jusqu’à la mort. Ma défiance est d’autant plus déplorable, que presque toujours fondée, (& je n’ajoute presque qu’à cause de vous) elle est toujours sans bornes, parce que tout ce qui est hors de la nature n’en connoît plus. Voilà Monsieur,, non l’excuse, mais la cause de ma faute que d’autres circonstances ont amenée & même aggravée, & qu’il faut bien que je vous déclare pour ne pas vous tromper. Persuadé `qu’un homme puissant vous avoit fait ses entrer dans vues à mon égard, je répondis selon cette idée à quelqu’un qui m’avoit parlé de vous, & je répondis avec tant d’imprudence, que je nommai même l’homme en question. Né avec un caractere bouillant dont rien n’a pu calmer l’effervescence, mes premiers mouvemens sont toujours marqués par une étourderie audacieuse, que je prends alors pour de l’intrépidité, & que j’ai tout le tems de pleurer dans la suite, sur-tout quand elle est injuste comme dans cette occasion. Fiez-vous à mes ennemis du soin de m’en punir. Mon repentir anticipa même sur leurs soins à la réception de votre lettre ; un jour plutôt elle m’eût épargné beaucoup de sottises ; mais puisqu’elles sont faites, il ne me reste qu’à les expier, & à tâcher d’en obtenir le pardon que je vous demande par la commisération due à mon état.

Ce que vous me dites des imputations dont vous m’avez entendu charger, & du peu d’effet qu’elles ont fait sur vous, ne m’étonne que par l’imbécillité de ceux qui pensoient vous surprendre par cette voie. Ce n’est pas sur des hommes tels que vous que des discours en l’air ont quelque prise ; mais les frivoles clameurs de la calomnie qui n’excitent gueres d’attention,