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Quant au projet de réchauffer les cœurs de vos compatriotes, par l’image des antiques vertus de leurs peres, il est beau, mais il est vain. L’on peut tenter de guérir des malades, mais non pas de ressusciter des morts. Vous venez soixante-dix ans trop tard. Contemporain du grand Catinat, du brillant Villars, du vertueux Fénelon, vous auriez pu dire : voilà encore des François dont je vous parle : leur race pas éteinte ; mais aujourd’hui vous n’êtes plus que vox clamans in deserto. Vous ne mettez pas seulement sur la scene des gens d’un autre siecle, mais d’un autre monde ; ils n’ont plus rien de commun avec celui-ci. Il ne reste à votre nation, pour se consoler de n’avoir plus de vertu, que de n’y plus croire, & de la diffamer dans les autres. Oh s’il étoit encore des Bayards en France, avec quelle noble colère, avec quelle vive indignation !.... Croyez-moi, du Belloy, ne faites plus de ces beaux vers à la gloire des anciens François, de peur qu’on ne soit tenté, par la justesse de la parodie, de l’appliquer à ceux d’aujourd’hui.

Adieu, Monsieur, si cette lettre vous parvient, je vous prie de m’en donner avis, afin que je ne sois pas injuste. Je vous salue de tout mon cœur.