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Edouard digne de lui servir de modele en quelque chose, & vous me faisiez vénérer ces antiques François auxquels ceux d’aujourd’hui ressemblent si peu, mais que vous faites trop bien agir & parler pour ne pas leur ressembler vous-même. À ma seconde lecture, je suis tombé sur un vers qui m’avoit échappé dans la premiere, & qui par réflexion m’a déchiré. *

[* Il est probable que ces deux vers étoient ceux-ci.

Que de vertu brilloit dans son faux repentir !

Peut-on si bien la peindre, & ne par la sentir ? ]

J’y ai reconnu, non, graces au Ciel, le cœur de J. J., mais les gens à qui j’ai à faire, & que pour mon malheur je connois trop bien. J’ai compris, j’ai pensé du moins vous avoir suggéré ce vers-là. Misere humaine, me suis-je dit ! Que les méchans diffament les bons, ils sont leur œuvre ; mais comment les trompent-ils les uns à l’égard des autres ? Leurs ames n’ont-elles pas pour se reconnoître des marques plus sures que tous les prestiges des imposteurs ? J’ai pu douter quelques instans, je l’avoue, si vous n’étiez point séduit, plutôt que trompé par mes ennemis.

Dans ce même tems j’ai reçu votre lettre & votre Gabriel, que j’ai lue & relue aussi, mais avec un plaisir bien plus doux que celui que m’avoit donné le guerrier Bayard ; car l’héroïsme de la valeur m’a toujours moins touché que le charme du sentiment dans les ames bien nées. L’attachement que cette piece m’inspire pour son Auteur, est un de ces mouvemens, peut-être aveugles, mais auxquels mon cœur n’a jamais résisté. Ceci me mené à l’aveu d’une autre folie, à laquelle il ne résiste pas mieux. C’est de faire de mon Héloïse le criterium sur lequel