Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/613

Cette page n’a pas encore été corrigée

un succès qui me procure le repos après lequel j’ai vainement soupiré, & que je ne cherche plus parce que je ne l’espere plus.

Vivement touché de l’intérêt que M. le Comte d*** veut bien prendre à mes malheurs, je vous supplie, Madame, de vouloir bien lui faire passer les témoignages de ma très-humble reconnoissance ; c’est une de mes peines de ne pouvoir aller moi-même la lui témoigner : mais quant au voyage ici que S. E. daigne proposer, je ne suis pas assez vain pour en accepter l’offre, & ces honneurs bruyans ne convierai à l’état d’humiliation dans lequel je suis appellé si jours. Je ne crois pas, non plus, qu’il convienne de risquer auprès de M. le Comte de***, ni auprès de personne aucune demande en ma faveur, puisque ce ne seroit qu’aller d’infaillibles refus qui ne seroient qu’empirer ma situation, s’il étoit possible.

Le parti que j’ai pris d’attendre ici ma destinée est le seul qui me convienne, & je ne puis faire aucune espece de démarche sans aggraver sur ma tête le poids de mes malheurs. Je fais que ceux qui ont entrepris de me chasser d’ici n’épargneront aucune sorte d’efforts pour y parvenir ; mais je les attends, je m’y prépare, & il ne reste plus qu’à savoir lesquels auront le plus de constance, eux pour persécuter, ou moi pour souffrir. Que si la patience m’échappe à la fin, & que rage mon courage succombe, mon parti en pareil cas est encore pris : c’est de m’éloigner, si je peux, de l’orage qui m’accable ; mais sans empressement, sans précaution, sans crainte, sans me cacher, sans me montrer, & avec la simplicité qui convient l’innocence.