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LETTRE À M. E. J...... CHIRURGIEN.

Le 13 Mai 1767.

Vous me parlez, Monsieur, dans une langue littéraire, de sujets de littérature, comme à un homme de Lettres. Vous m’accablez d’éloges si pompeux, qu’ils sont ironiques, & vous croyez m’enivrer d’un pareil encens. Vous vous trompez, Monsieur, sur tous ces points. Je ne suis point homme de Lettres : je le fus pour mon malheur ; depuis long-tems j’ai cessé de l’être ; rien de ce qui se rapporte à ce métier ne me convient plus. Les grands éloges ne m’ont jamais flatté ; aujourd’hui sur-tout que j’ai plus besoin de consolation que d’encens, je les trouve bien déplacés. C’est comme si, quand vous allez voir un pauvre malade, au lieu de le panser, vous lui faisiez des complimens.

J’ai livré mes écrits à la censure publique ; elle les traite aussi sévérement que ma personne ; à la bonne heure ; je ne prétends point avoir eu raison ? je sais seulement que mes intentions étoient assez droites assez pures, assez salutaires pour devoir m’obtenir quelque indulgence. Mes erreurs peuvent être grandes ; mes sentimens auroient dû les racheter. Je crois qu’il y a beaucoup de choses sur lesquelles on n’a pas voulu m’entendre. Telle est, par exemple, l’origine du droit naturel, sur laquelle vous me prêtez des sentimens qui n’ont jamais été les miens. C’est ainsi qu’on aggrave mes fautes réelles, de