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Vous êtes dans l’erreur, Mylord, & c’est ce qui nie console. Je vous connois trop bien pour vous croire capable d’une aussi incompréhensible légéreté, sur-tout dans un tems où venu par vos conseils dans le pays que j’habite, j’y vis accablé de tous les malheurs les plus sensibles à un homme d’honneur. Vous êtes dans l’erreur, je le répete ; l’homme que vous n’aimez plus mérite sans doute votre disgrace, mais cet homme que vous prenez pour moi n’est pas moi. Je n’ai point perdu votre bienveillance, parce que je n’ai point mérité de la perdre, & que vous n’êtes ni injuste, ni inconstant. On vous aura figuré sous mon nom un fantôme, je vous l’abandonne & j’attends que votre illusion cesse, bien sûr qu’aussi-tôt que vous me verrez tel que je suis, vous m’aimerez comme auparavant.

Mais en attendant ne pourrai-je du moins savoir si vous recevez mes lettres ? Ne me reste-t-il nul moyen d’apprendre des nouvelles de votre santé qu’en m’informant au tiers & au quart, & n’en recevant que de vieilles qui ne me tranquillisent pas ? Ne voudriez-vous pas du moins permettre qu’un de vos laquais m’écrivît de tems en tems comment vous vous portez ? Je me résigne à tout, mais je ne conçois rien de plus cruel que l’incertitude continuelle où je vis sur ce qui m’intéresse le plus.