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sauront que ce que M. Hume voudra leur dire, ne liassent pas de nous juger, cela m’est, je vous jure, très-indifférent. J’ai un défenseur dont les opérations sont lentes, mais sures : je les attends.

Je me bornerai à vous présenter une seule réflexion. Il s’agit, Monsieur, de deux hommes, dont l’un a été amené par l’autre en Angleterre presque malgré lui. L’étranger, ignorant la langue du pays, ne pouvant parler, ni entendre ; seul, sans ami, sans appui, sans connoissance, sans savoir même à qui confier une lettre en sureté ; livré sans réserve à l’autre, & aux siens ; malade, retiré, ne voyant personne, écrivant peu, est allé s’enfermer dans le fond d’une retraite où il herborise pour toute occupation. Le Breton, homme actif liant, intrigant, au milieu de son pays, de ses amis, de ses parens, de ses patrons, de ses patriotes, en grand crédit à la Cour, à la Ville ; répandu dans le plus grand monde, à la tête des gens de Lettres, disposant des papiers publics, en grande relation chez l’étranger, sur-tout avec les plus mortels ennemis du premier. Dans cette position, il se trouve que l’un des de a tendu des piéges à l’autre. Le Breton crie, que c’est vile canaille, ce scélérat d’étranger qui lui en tend. L’étranger seul, malade, abandonné, gémit & ne répond rien. Là-dessus le voilà jugé, & il demeure clair qu’il s’est laissé mener dans le pays de l’autre, qu’il s’est mis à sa merci, tout exprès pour lui faire piece, & pour conspirer contre lui. Que pensez-vous de ce jugement ? Si j’avois été capable de former un projet aussi monstrueusement extravagant, où est l’homme ayant quelque sens, quelque humanité, qui ne devroit pas dire :