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Auteur : car assurément Henri IV n’étoit pas fou ni Sully visionnaire. L’Abbé de St. Pierre s’autorisoit de ces grands noms pour renouveller leur systême. Mais quelle différence dans le tems, dans les circonstances, dans la proposition, dans la manière de la faire & dans son Auteur ! Pour en juger, jettons un coup-d’œil sur la situation générale des choses au moment choisi par Henri IV, pour l’exécution de son projet.

La grandeur de Charles-Quint, qui régnoit sur une partie du monde & faisoit trembler l’autre, l’avoit fait aspirer à la Monarchie universelle avec de grands moyens de succès & de grands talens pour les employer ; son fils plus riche & moins puissant, suivant sans relâche un projet qu’il n’étoit pas capable d’exécuter, ne laissa pas de donner à l’Europe des inquiétudes continuelles ; & la Maison d’Autriche avoit pris un tel ascendant sur les autres Puissances, que nul Prince ne régnoit en sûreté s’il n’étoit bien avec elle. Philippe III, moins habile encore que son Père hérita de toutes ses prétentions. L’effroi de la Puissance Espagnole tenoit encore l’Europe en respect, & l’Espagne continuoit à dominer plutôt par l’habitude de commander que par le pouvoir de se faire obéir. En effet, la révolte des Pays-bas, les armemens contre l’Angleterre, les guerres civiles de France avoient épuisé les forces d’Espagne & les trésors des Indes ; la Maison d’Autriche, partagée en deux branches, n’agissoit plus avec le même concert ; & quoique l’Empereur s’efforçât de maintenir ou recouvrer en Allemagne l’autorité de Charles-Quint, il ne faisoit qu’aliéner les Princes & fomenter des Ligues qui ne tarderent pu d’éclore & faillirent à le détrôner. Ainsi se préparoit