Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/567

Cette page n’a pas encore été corrigée

le Général Conway, qui ne savoit pas à quoi tenoit ce refus, mais elle l’étoit fort pour M. Hume qui le savoit très-bien ; cependant il feint de prendre le change tant sur le sujet de ma douleur, que sur celui de mon refus, & dans un billet qu’il m’écrit il me fait entendre qu’on me ménagera la continuation des bontés du Roi si je me ravise sur la pension. En un mot il prétend à toute force, & quoi qu’il arrive, demeurer mon Patron malgré moi. Vous jugez bien, Monsieur, qu’il n’attendoit pas de réponse & il n’en eut point.

Dans ce même tems à-peu-près, car je ne sais pas les dates, & cette exactitude ici n’est pas nécessaire, parut un lettre de M. de Voltaire à moi adressée avec une traduction Angloise, qui renchérit encore sur l’original. Le noble objet de ce spirituel ouvrage est de m’attirer le mépris & la haine de ceux chez qui je me suis réfugié. Je ne doutai point qu mon cher Patron n’eût été un des instrumens de cette publication, sur-tout quand je vis qu’en tâchant d’aliéner de moi ceux qui pouvoient en ce pays me rendre la vie agréable, on avoit omis de nommer celui qui m’y avoit conduit. On savoit sans doute que c’étoit un soin superflu & qu’à cet égard rien ne restoit à faire. Ce nom si mal-adroitement oublié dans cette lettre, me rapella ce que dit Tacite du portrait de Brutus omis dans une pompe funebre, que chacun l’y distinguoit, précisément parce qu’il n’y étoit pas.

On ne nommoit donc pas M. Hume ; mais il vit avec le gens qu’on nommoit. Il a pour amis tous mes ennemis, on le sait : ailleurs les Tronchin, les d’Alembert, les Voltaire ; mais il y a bien pis à Londres, c’est que je n’y ai peur ennemis