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afin qu’il se chargeât de papiers qui m’importent, & que je veux faire venir de Paris en sureté.

J’apprends que le sils du jongleur Tronchin, mon plus mortel ennemi, est non-seulement l’ami, le protégé de M. Hume, mais qu’ils logent ensemble, & quand M. Hume voit que je fais cela, il m’en fait la confidence, m’assurant que le fils ne ressemble pas au pere. J’ai logé quelques nuits dans cette maison chez M. Hume avec ma gouvernante ; & à l’air, à l’accueil dont nous ont honorés ses hôtesses, qui sont ses amies, j’ai jugé à la façon dont lui ou cet homme qu’il dit ne pas ressembler à son pere, ont pu leur parler d’elle & de moi.

Ces faits combinés entr’eux & avec une certaine apparence générale me donnent insensiblement une inquiétude que je repousse avec horreur. Cependant les lettres que j’écris n’arrivent pas ; j’en reçois qui ont été ouvertes, & toutes ont passé par les mains de M. Hume. Si quelqu’une lui échappe, il ne peut cacher l’ardente avidité de la voir. Un soir, je vois encore chez lui une manœuvre de lettre dont je suis frappé.*

[*Il faut dire ce que c’est que cette manœuvre. J’écrivois sur la table de M. Hume. en son absence, une réponse à une lettre que je venois de recevoir. Il arrive, très-curieux de savoir ce que j’écrivois & ne pouvant presque s’abstenir d’y lire. Je ferme ma lettre sans la lui montrer, & comme je la mettois dans ma poche, il la demande avidement, disant qu’il l’enverra le lendemain jour de porte. La lettre reste sur sa table. Lord Newnham arrive, M. Hume sort un moment ; je reprends ma lettre, disant que j’aurai le tems de l’envoyer le lendemain. Lord Newnham m’offre de l’envoyer par le paquet de M. l’Ambassadeur de France, j’accepte. M. Hume rentre tandis que Lord Newnham fait son enveloppe, il tire son cachet ; M. Hume offre le sien avec tant d’empressement qu’il faut s’en servir par préférence. On sonne, Lord Newnham donne la lettre au laquais de M. Hume pour la remettre au sien, qui attend en-bas avec on carrosse, afin qu’il la porte chez M. l’Ambassadeur. À peine le laquais de M. Hume étoit hors de la porte que je me dis, je parie que le Maître va le suivre : il n’y manqua pas. Ne sachant comment laisser seul Mylord Newnham, l’héritai quelque tenir avant que de suivre à mon tour M. Hume ; je n’apperçus rien, mais il vit très-bien que j’étois inquiet. Ainsi, quoique je n’aye reçu aucune réponse à ma lettre je ne doute pas qu’elle ne soit parvenue ; mais je doute un peu, je l’avoue, qu’elle n’ait été lue auparavant.] Après le