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J’ai parlé jusqu’ici d’abondance de cœur, & rendant avec le plus grand plaisir justice aux bons offices de M. Hume. Que ce qui me reste à dire, n’est-il de même nature ! Rien ne me coûter jamais de ce qui pourra l’honorer. Il n’est permis de marchand sur le prix des bienfaits que quand on nous accuse d’ingratitude, & M. Hume m’en accuse aujourd’hui. J’oserai donc faire une observation qu’il rend nécessaire. En appréciant ses soins par la peine & le tems qu’ils lui coûtoient, ils étoient d’un prix inestimable, encore plus par sa bonne volonté : pour le bien réel qu’ils m’ont fait, ils ont plus d’apparence que de poids. Je ne venois point comme un mendiant quêter du pain en Angleterre, j’y apportois le mien ; j’y venois absolument chercher un asyle, & il est ou vert à tout étranger. D’ailleurs je n’y étois point tellement inconnu, qu’arrivant seul j’eusse manqué d’assistance & de services. Si quelques personnes m’ont recherché pour M. Hume, d’autres aussi m’ont recherché pour moi ; &, par exemple, quand M. Davenport voulut bien m’offrir l’asyle que j’habite, ce ne fut pas pour lui qu’il ne connoissoit point, & qu’il vit seulement pour le prier de faire & d’appuyer son obligeante proposition. Ainsi quand M. Hume tâche aujourd’hui d’aliéner de moi cet honnête homme, il cherche à m’ôter ce qu’il ne m’a pas donné. Tout ce qui s’est fait de bien, se seroit fait sans lui à-peu-près de même, & peut-être mieux ; mais le mal ne se fût point fait ; car pourquoi ai-je des ennemis en Angleterre ? Pourquoi ces ennemis sont-ils précisément amis de M. Hume ? Qui est-ce qui a pu m’attirer leur inimitié ? Ce n’est pas moi qui ne les vis de ma vie & qui ne les convois pas ; je n’en aurois aucun, si j’y étois venu seul.