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rien de plus ; mais l’honneur de recevoir des témoignages de bonté, je ne dirai pas d’un si grand Monarque, mais d’un si bon pere, d’un si bon mari, d’un si bon maître, d’un si bon ami, & sur-tout d’un si honnête homme, m’affectoit sensiblement ; & quand je considérois encore dans cette grace que le Ministre qui l’avoit obtenue étoit la probité vivante, cette probité si utile aux Peuples, & si rare dans son état, je’ne pouvois que me glorifier d’avoir pour bienfaiteurs trois des hommes du monde que j’aurois le plus desirés pour amis. Aussi, loin d’me refuser à la pension offerte, je ne mis pour l’accepter qu’une condition nécessaire, savoir, un consentement dont, sans manquer à mon devoir, je ne pouvois me passer.

Honoré des empressemens de tout le monde, je tâchois d’y répondre convenablement. Cependant ma mauvaise santé & l’habitude de vivre à la campagne me firent trouver le séjour de la Ville incommode. Aussi-tôt les maisons de campagne se présentent en foule ; on m’en offre à choisir dans toutes les Provinces. M. Hume se charge des propositions, il me les fait, il me conduit même à deux ou trois campagnes voisines ; j’hésite long-tems sur le choix ; il augmentoit cette incertitude. Je me détermine enfin pour cette Province, & d’abord M. Hume arrange tout ; les embarras s’applanissent ; je pars, j’arrive dans cette habitation solitaire, commode, agréable : le maître de la maison prévoit tout, pourvoit à tout ; rien ne manque. Je suis tranquille, indépendant ; voilà le moment si desiré où tous mes maux doivent finir. Non, c’est-là : qu’ils commencent, plus cruels que je ne les avois encore éprouvés.