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ces souvenirs, s’ils lui viennent ; j’ai dans l’esprit qu’il en doit quelquefois être importuné.

Nous sommes fêtés arrivant à Londres. On s’empresse dans tous les états à me marquer de la bienveillance & de l’estime. M. Hume me présente de bonne grace à tout le monde ; il étoit naturel de lui attribuer, comme je faisois, la meilleur partie de ce bon accueil : mon cœur étoit plein de lui, j’en par lois à tout le monde, j’en écrivois à tous mes amis ; mon attachement pour lui prenoit chaque jour de nouvelles forces ; le sien paroissoit pour moi des plus tendres, & il m’en a quelquefois donné des marques dont je me suis senti très-touché. Celle de faire faire mon portrait en grand ne fut pourtant pas de ce nombre. Cette fantaisie me parut trop affichée, & j’y trouvai je ne sais quel air d’ostentation qui ne me plut pas. C’est tout ce que j’aurois pu passer à M. Hume s’il eût été homme à jetter son argent par les fenêtres, & qu’il eût eu dans une galerie tous les portraits de ses amis. Au reste, j’avouerai sans peine qu’en cela je puis avoir tort.

Mais ce qui me, parut un acte d’amitié & de générosité des plus vrais & des plus aimables, des plus dignes en un mot de M. Hume, ce fut le soin qu’il prit de solliciter pour moi de lui-même une pension du Roi, à laquelle je n’avois assurément aucun droit d’aspirer. Témoin du zele qu’il mit à cette affaire, j’en fus vivement pénétré : rien ne pouvoir plus me flatter qu’un service de cette espece, non pour l’intérêt assurément, car trop attaché peut-être à ce que je possede, je ne sais point desirer ce que je n’ai pas, & ayant par mes amis & par mon travail du pain suffisamment pour vivre, je n’ambitionne