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et y venir. Quoique je n’aye point directement de ses nouvelles, j’ai su qu’il étoit arrivé à Paris en bonne santé, & j’espere qu’au moment où j’écris cette lettre, il est heureusement de retour près de vous. Quelque intérêt que je prenne à ses avantages je ne puis m’empêcher de lui envier celui-là, & je vous jure, Madame, que cette paisible retraite perd pour moi beaucoup de son prix quand je songe qu’elle est à trois cents lieues de vous. Je voudrois vous la décrire avec tous ses charmes, afin de vous tenter, je n’ose dire de m’y venir voir, mais de la venir voir, & moi j’en profiterois.

Figurez-vous, Madame, une maison seule, non fort grande, mais fort propre, bâtie à mi-côte sur le penchant d’un vallon dont la pente est assez interrompue pour laisser des promenades de plain-pied sur la plus belle pelouse de l’univers. Au-devant de la maison régne une grande terrasse, d’où l’œil suit dans une demi-circonférence quelques lieues d’un paysage formé de prairies, d’arbres, de fermes éparses, de maisons plus ornées, & bordée en forme de bassin par des côteaux élevés qui bornent agréablement la vue quand elle ne pourroit aller au-delà. Au fond du vallon, qui sert à la fois de garenne & de pâturage, on entend murmurer un ruisseau, qui d’une montagne voisine vient couler parallélement à la maison, & dont les petits détours, les cascades sont dans une telle direction que des fenêtres & de la terrasse l’œil peut assez long-tems suivre son cours. Le vallon est garni par places de rochers & d’arbres où l’on trouve des réduits délicieux, & qui ne laissent pas de s’éloigner assez de tems en tems du ruisseau, pour offrir sur ses bords des promenades commodes, à l’abri des vents &