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bonne éducation, que ce que vous m’avez appris de vous, & piece de vers que vous m’avez envoyée. Le Libraire à qui vous l’avez présentée a eu tort de vous répondre aussi brutalement qu’il l’a fait ; & l’ouvrage du côté de la composition n’est aussi mauvais qu’il l’a paru croire. Les vers sont faits avec facilité ; il y en a de très-bons parmi beaucoup d’autres foibles, peu corrects. Du reste il y régne plutôt un ton de déclamation, qu’une certaine chaleur d’ame. Zamon se tue en acteur de tragédie : cette mort ne persuade ni ne touche ; tous les sentimens sont tirés de la nouvelle Héloïse, on en trouve à peine un qui vous appartienne, ce qui n’est pas un grand signe de la chaleur de votre cœur, ni de la vérité de l’histoire. D’ailleurs si le Libraire avoir tort dans un sens, il avoir bien raison dans un autre, auquel vraisemblablement il ne songeoit pas. Comment un homme qui se pique de vertu, peut-il vouloir publier une piece d’où résulte la plus pernicieuse morale, une piece pleine d’images licencieuses que rien n’épure, une piece qui tend à persuader aux jeunes personnes que les privautés des amans sont sans conséquence, & qu’on peut toujours s’arrêter où l’on veut ; maxime aussi fausse que dangereuse, & propre à détruire toute pudeur, toute honnêteté, toute retenue entre les deux sexes. Monsieur, si vous n’êtes pas un homme sans mœurs, sans principes, vous ne serez jamais imprimer vos vers, quoique passables, sans un correctif suffisant pour en empêcher le mauvais effet.

Vous avez des talens, sans doute, mais vous n’en faites pas un usage qui porte à les encourager. Puissiez-vous, Monsieur, en faire un meilleur dans la suite, & qui ne vous attire