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mangiez le pain. Vous n’adoptez pas les maximes de l’Héloïse ; vous vous piquez de les braver. Il est faux selon vous, qu’on ne doit rien accorder aux sens, quand on veut leur refuser quelque chose. En accordant aux vôtres tout ce qui peut vous rendre coupable, vous ne leur refusiez que ce qui pouvoir vous excuser. Votre exemple, supposé vrai, ne fait point contre la maxime ; il la confirme.

Ce joli conte est suivi d’un autre plus vraisemblable, mais que le premier me rend bien suspect. Vous voulez avec l’art de votre âge, émouvoir mon amour-propre, & me forcer, au moins par bienséance, à m’intéresser pour vous. Voilà, Monsieur, de tous les piéges qu’on peut me tendre, celui dans lequel on me prend le moins, sur-tout quand on le tend aussi peu finement. Il y auroit de l’humeur à vous blâmer de la maniere dont vous dites avoir soutenu ma cause ; & même une sorte d’ingratitude à ne vous en pas savoir gré. Cependant, Monsieur, mon livre ayant été condamné par votre Parlement, vous ne pouviez mettre trop de modestie & de circonspection à le défendre, & vous ne devez pas me faire une obligation personnelle envers vous, d’une justice que vous avez dû rendre à la vérité, ou à ce qui vous a paru l’être. Si j’étois sûr que les choses se fussent passées comme vous me le marquez, je croirois devoir vous dédommager, si je pouvois, d’un préjudice dont je serois, en quelque maniere, la cause. Mais cela ne m’engageroit pas à vous recommander sans vous connoître, préférablement à beaucoup de gens de mérite que je connois, sans pouvoir les servir, & je me garderois de vous procurer des Eleves, sur-tout s’ils avoient des sœurs, sans autre garant de leur