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dans aucune discussion. Et en effet, forcé de défendre mon honneur & ma personne au sujet de ce livre, j’ai toujours passé condamnation sur les erreurs qui pouvoient y être, me bornant à montrer qu’elles ne prouvoient point que l’Auteur voulût attaquer le Christianisme & qu’on avoit tort de le poursuivre criminellement pour cela.

M. de M. écrit que j’allai le lendemain l’avoir sa réponse ; c’est ce que j’aurois fait s’il ne fût venu me l’apporter : ma mémoire peut me tromper sur ces bagatelles ; mais il me prévint ce me semble, & je me souviens au moins que par les démonstrations de la plus vive joie, il me marqua combien ma démarche lui faisoit de plaisir. Il me dit en propres termes que lui & son troupeau s’en tenoient honorés, & que cette démarche inespérée alloit édifier tous les fidelles. Ce moment, je vous l’avoue, fut un des plus doux de ma vie. Il faut connoître tous mes malheurs, il faut avoir éprouvé les peines d’un cœur sensible qui perd tout ce qui lui étoit cher, pour juger combien il m’étoit consolant de tenir à une Société de freres qui me dédommageroit des pertes que j’avois faites, & des amis que je ne pouvois plus cultiver. Il me sembloit qu’une de cœur avec ce petit troupeau dans un culte affectueux & raisonnable, j’oublierois plus aisément tous mes ennemis. Dans les premiers tems, je m’attendrissois au Temple jusqu’aux larmes. N’ayant jamais vécu chez les Protestans, je m’étois fait d’eux & de leur Clergé des images angéliques. Ce culte si simple & si pur étoit précisément ce qu’il falloir à mon cœur ; il me sembloit fait exprès pour soutenir le courage & l’espoir des malheureux ; tous ceux qui le partageoient