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billets numerotés qui l’accompagnoient, je me sentis le cœur si pénétré de ces tendres soins de votre part, que je m’épanchai là-dessus avec M. le Prince Louis de Wirtemberg, homme d’un mérite rare, épuré par les disgraces, & qui m’honore de sa correspondance & de son amitié. Voici là-dessus sa réponse ; je vous la transmets mot à mot. “Je n’ai pas douté un moment que le Roi de Prusse ne vous soutînt : mais vous me faites chérir Mylord Maréchal ; veuillez lui témoigner toute la vivacité des sentimens que cet homme respectable m’inspire. Jamais personne avant lui ne s’est avisé de faire un journal si honorable pour l’humanité.”

Quoiqu’il me paroisse à-peu-près décidé que je puis jouir en ce pays, de toute la sureté possible, sous la protection du Roi, sous la vôtre, & graces à vos précautions, comme sujet de l’Etat,*

[* Lord Maréchal lui avoit obtenu des Lettres de naturalisation] cependant il me paroît toujours impossible qu’on m’y laisse tranquille. Geneve n’en est pas plus loin qu’auparavant, & les brouillons de Ministres me haïssent encore plus à cause du mal qu’ils n’ont pu me faire. On ne peut compter sur rien de solide dans un pays où les têtes s’échauffent tout-d’un-coup sans savoir pourquoi. Je persiste donc à vouloir suivre votre conseil & m’éloigner d’ici. Mais comme il n’y a plus de danger rien ne presse ; & je prendrai tout le tems de délibérer & de bien peser mon choix, pour ne pas faire une sottise, & m’aller mettre dans de nouveaux lacs. Toutes me raisons contre l’Angleterre subsistent, & il suffit qu’il y ait de Ministres dans ce pays-là pour me faire craindre d’en approcher.