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LETTRE À M. M*****.

9 Mars 1765.

Vous ignorez, je le vois, ce qui se passe ici par rapport à moi. Par des manœuvres souterraines que j’ignore, les Ministres, Montmollin à leur tête, se sont tout-à-coup déchaînés contre moi, mais avec une telle violence que, malgré Mylord Maréchal & le Roi même, je suis chassé d’ici sans savoir plus où trouver d’asyle sur la terre ; il ne m’en reste que dans son sein. Cher M*****, voyez mon sort. Les plus grands scélerats trouvent un refuge ; il n’y a que votre ami qui n’en trouve point. J’aurois encore l’Angleterre ; mais quel trajet, quelle fatigue, quelle dépense ! Encore si j’étois seul !... Que la nature est lente à me tirer d’affaire ! Je ne sais ce que je deviendrai ; mais en quelque lieu que j’aille terminer ma misere, souvenez-vous de votre ami.

Il n’est plus question de mon édition générale. Selon toute apparence je ne trouverai plus à la faire, & quand je le pourrois, je ne sais si je pourrois vaincre l’horrible aversion que j’ai conçue pour ce travail. Je ne regarde aucun de mes livres sans frémir ; & tout ce que je desire au monde, est un coin de terre où je puisse mourir en paix, sans toucher ni papier ni plume.

Je sens le prix de ce que vous avez fait pendant que nous ne nous écrivions plus. Je me plaignois de vous, & vous vous