Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/440

Cette page n’a pas encore été corrigée

fort mal, & l’air de ridicule & de mépris qu’il jette sur des sentimens respectés des hommes, réjaillissant sur les hommes mêmes, me paroît un outrage fait à la société. Voilà mon sentiment & peut-être mon erreur, que je me crois permis de dire, mais que je n’entends faire adopter à qui que ce soit.

Je suis fort touché de ce que vous me marquez de la part de M. & Mde. de Buffon. Je suis bien aise de vous avoir dit ce que je pensois de cet homme illustre avant que son souvenir réchauffât mes sentimens pour lui, afin d’avoir tout l’honneur de la justice que j’aime à lui rendre, sans que mon amour- propre s’en soit mêlé. Ses écrits m’instruiront & me plairont toute ma vie. Je lui *

[*Quand M. Rousseau écrivoit ceci, M. le Comte de Buffon n’avoit encore publié les Epoques de la Nature.] crois des égaux parmi ses contemporains en qualité de penseur & de philosophe : mais en qualité d’écrivain je ne lui en connois point. C’est la plus belle plume de son siecle ; je ne doute point que ce ne soit là le jugement de la postérité. Un de mes regrets est de n’avoir pas été à portée de le voir davantage & de profiter de ses obligeantes invitations. Je sens combien ma tête & mes écrits auroient gagné dans son commerce. Je quittai Paris au moment de son mariage ; ainsi je n’ai point eu le bonheur de connoître Mde. de Buffon, mais je sais qu’il a trouvé dans sa personne & dans son mérite l’aimable & digne récompense du lien. Que Dieu les bénisse l’un & l’autre de vouloir bien s’intéresser à ce pauvre proscrit. Leurs bontés sont une des consolations de ma vie : qu’ils sachent, je vous en supplie, que je les honore & les aime de tout mon cœur.