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Voici pis. L’effet naturel de cette conduite a été de vous brouiller avec Madame votre mere. Je vois, sans que vous me le montriez, le fil de tout cela ; & quand il n’y auroit que ce que vous me dites, à quoi bon aller effaroucher la conscience tranquille d’une mere, en lui montrant, sans nécessité, des sentimens différens des siens ? Il falloit, Monsieur, garder ces sentimens au-dedans de vous pour la regle de votre conduite ; & leur premier effet devoit être de vous faire endurer avec patience les tracasseries de vos prêtres, & de ne pas changer ces tracasseries en persécutions, en voulant secouer hautement le joug de la Religion où vous étiez né. Je pense si peu comme vous sur cet article, que quoique le Clergé protestant me fasse une guerre ouverte, & que je sois sort éloigné de penser comme lui sur tous les points, je n’en demeure pas moins sincérement uni à la communion de notre Eglise, bien résolu d’y vivre & d’y mourir, s’il dépend de moi. Car il est très-consolant pour un croyant affligé, de rester en communauté de culte avec ses freres, & de servir Dieu conjointement avec eux. Je vous dirai plus, & je vous déclare que si j’étois né Catholique, je demeurerois Catholique, sachant bien que votre Eglise met un frein très-salutaire aux écarts de la raison humaine, qui ne trouve ni fond ni rive, quand elle veut sonder l’abyme des choses ; & je suis si convaincu de l’utilité de ce frein, que je m’en suis moi-même imposé un semblable, en me prescrivant, pour le reste de ma vie, des regles de foi dont je ne me permets plus de sortir. Aussi je vous jure que je ne suis tranquille que depuis ce tems-là, bien convaincu que sans cette précaution, je ne l’aurois été de ma vie. Je vous parle, Monsieur,